The setting of abundant misery
En entrant dans ces supermarchés, le contact ne fut pas intellectuel, mais davantage physique. Habitué au photo-reportage, j'ai tout de suite été a l'aise dans ces espaces clos où se pressent des masses d'individus dont les interactions sont réduites au minimum. J'ai tenté à travers ces photos de mettre en évidence une situation, d'en grossir les traits jusqu'à la caricature. D'insister sur la solitude, d'interroger les choix, les goûts, la recherche de l'originalité et de soi, sa propre individualité, à travers des produits standardisé. De révéler aussi une violence visuelle, ce tapage qui provoque la nervosité, l'anxiété, la lassitude. Ici les interactions sont plus absentes, diffuses. Contrairement a mes autres travaux, j'ai voulu mettre en valeur le lieu. Ce lieu qui transforme chacun en sous produit le temps d'une course, comme un robot qui se construirait lui-même. Bien entendu, cette abondance renvoie à notre propre expérience. Ma propre expérience. Je suis également un membre actif de cette course effrénée. Avec mon jean Levis à 60€, mes Nike a 79€, mon tee shirt a 19€, aurais-je perdu tout sens de la mesure? Oui. Evidemment. Et tirer sa chasse d'eau avec de l'eau potable n'est qu'une autre illustration absurde de ces ordres de grandeur que nous avons brouillés, perdus. Balayés. Il ne s'agit pas ici, de m'ériger en dénonciateur, mais plutôt de tenter de prendre conscience de ces terribles contrastes entre un confort devenu inconfortable, dans lequel même l'abondance n'est plus source d'épanouissement, et les tensions sociales ne sont que plus aiguës.